Cinéma : La critique cinématographique au cœur d'une cérémonie de récompense

Le 7éme anniversaire des LFC Awards de Françoise-Ellong Gomez s’est articulé autour de la critique cinématographique.

La problématique de la place de la critique dans le 7eme art reste d’actualité. Quoique capitale dans le cinéma, elle est redoutée voir craint. Votre redaction est allée à la rencontre de la promotrice Francoise ELLONG-GOMEZ pour connaitre les motivations de ce choix durant l’edition 7 des LFC Awards Suivez plutôt👇🏽👇🏽👇🏽

Focus Médias Afrique : Vous avez consacré un prix d’honneur à un critique de cinéma, quelle était l’idée dernière de cette initiative ?

Françoise Ellong : Eh bien concernant le prix d’honneur de la critique, elle est faite 7ème anniversaire parce que c’est une année anniversaire pour nous, pour le 7ème Art. Et ça été comme une évidence en ce qui me concerne, que cette édition soit particulièrement consacrée à la Critique, parce qu’une œuvre qui n’est pas critiquée n’existe pas. Et que si le cinéma peut évoluer et peut permettre qu’on se questionne sur qui nous sommes, sur nos identités, valeurs, traditions,sur ce qui est en train de nous arriver dans la vie de tous les jours ou dans notre environnement, et bien c’est la critique qui permet de se poser toutes ces questions. C’est la Critique qui permet d’améliorer nos contenus et nos façons de faire les films,de voir le monde et l’environnement dans lequel on se trouve. Et la génération que je suis n’aime pas la Critique, sauf quand elle est en sa faveur en disant des choses positives qui flattent son égo. Mais ce n’est pas le rôle de la Critique. La Critique veut rendre ce que le Film a essayé de dire tout en le recontextualisant , que ce soit dans un aspect socio-politique et économique. Bref, pour moi la Critique c’est ce qui permet de faire en sorte qu’on améliore la manière dont on regarde notre environnement. Elle permet qu’on améliore la manière dont on raconte avec toute l’authenticité que cela doit impliquer. Ainsi, il était évident qu’un prix d’honneur, dans une année dédiée à la Critique, ne pouvait être que la Critique du Cinéma reconnue par ses pères et ceux qui pratiquent le 7ème Art.

Focus Médias Afrique : LFC Awards acte 7 était consacrée à la critique cinématographique. Qu’est-ce qui a conduit à cette orientation ??

Françoise Ellong : Il est vital pour nos cinématographies qu’on se pose des questions sur l’image que nous donnons au monde. On a l’impression que toutes les autres industries savent ce qu’elles ont envie de dire au monde, de qui elles sont. Quand on prend les Américains, ils disent dans tous leurs films qu’ils sont puissants peu importe le film que vous regarderez. Quand vous voyez les Asiatiques, ils diront toujours qu’ils sont invincibles, que leur Kung Fu est imbattable peu importe le film que vous regarderez. Même si ce n’est pas le Kung fu ,il y a un art, une manière qu’ils vont vous montrer où ils sont invincibles face aux difficultés, à l’adversité. Les Européens nous montrent tous les jours que l’intellect c’est eux, l’art de vivre c’est eux. Et la grande question que la Critique doit nous permettre de se poser c’est : qu’est-ce que nous les Africains nous voulons montrer, de qui nous sommes au monde ? Parce que lorsqu’on regarde les films que nous faisons, nous passons notre temps à dire au monde qu’on souffre; que nos maris sont violents ; que nos pères sont irresponsables, que la vie est difficile…toutes ces choses peuvent être vraies, on ne refuse pas. Mais ce n’est pas ce qui nous définit en tant qu’Africains. Ce qui nous définit en tant qu’Africains si on veut prendre des adjectifs,il y a : l’hospitalité, la solidarité, la sagesse africaine,on garde nos valeurs, traditions, us et coutumes,notre diversité qui est une richesse Etc. On a plein de mots positifs qu’on pourrait mettre en avant si on décide demain qu’on va tous montrer, peu importe le film qu’on fait.(…) pour dire qu’il est temps qu’on se questionne sur qu’est-ce qu’on veut montrer au monde qui nous sommes ? Et c’est par la Critique que ça va passer. C’est vraiment aussi la violence avec laquelle on accueille les critiques négative;qu’on est tellement heureux quand on a une Critique positive ,mais dès lors que la Critique a une ligne négative, même si elle est à 90% positive, elle devient quelque chose de personnel. Il faut que ça cesse, parce qu’on a besoin d’évoluer, de raconter les histoires. Nos publics demandent nos images et il est temps qu’on reprenne, nous-mêmes, le story telling de nos histoires, on ne doit plus laisser les autres les raconter sans nous. Ils doivent le faire avec nous s’ils le veulent ou que ça parte de nous. C’est même ça, nos histoires doivent partir de nous, ce ne sont pas les autres qui doivent les raconter à notre place,on peut juste collaborer.

Focus Médias Afrique : Le comité d’organisation a organisé un atelier de critique de cinéma qui a débouché sur la création d’un journal exclusivement réservé à la critique cinématographique. Quels ont été les contours de l’atelier ? Quel est l’objectif visé par le magazine ?

Françoise Ellong : L’atelier autour de la Critique cinématographique a été soutenue par des institutions et des partenaires. Et je tiens à les citer parce que sans eux cet Atelier n’aurait jamais vu le jour. Un Atelier exceptionnel coordonné par J.M. Molo linga du Cameroun Baba Diop du Sénégal et Charles Tesson de la France. Et c’est grâce à la combinaison des efforts de CANAL+, CANAL + University, du Ministère de l’Europe des affaires étrangères, de L’ambassade de France au Sénégal , AFD et de l’hôtel la Falaise Bonapriso que cet Atelier a pu avoir lieu et a pu naître. Nous avons formé huit jeunes; quatre femmes et quatre hommes de parité parfaite, qui ont des profils types journalistes culturels, rédacteurs cinématographiques et culturels. C’était un atelier d’initiation à la Critique. Donc première étape, il faut les initier à ce qu’est la Critique cinématographique et ça les enlève tous les préjugés et pré-requis qu’ils avaient dans leur esprit, cela a extrêmement bien marché. Cinq jours intensifs où ils ont travaillé dur et ils ont fait là Critique des sept longs métrages de la compétition internationale et des cinq longs métrages de la grande compétition nationale camerounaise.Ce qui s’est bien passé,nous avons fait naître, grâce à leur assiduité, travail et grâce à leurs mentors aussi évidemment, une revue des douze belles Critiques avec des plumes jeunes consciencieuses que nous sommes vraiment fiers d’avoir au Cameroun. C’est une revue que nous avons pu offrir à nos deux cent cinquante invités lors de la cérémonie. L’idée de la revue c’est qu’elle perdure. Nous avons fait un travail de ratissage de tous les espaces qui proposent des projections au Cameroun : que ce soit des salles de cinéma, des espaces culturels. Et l’objectif est que nous allions vers ces espaces en leur demandant leurs programmations mensuelles,et en proposant qu’ils nous donnent accès aux films, c’est-à-dire en permettant que les huit jeunes aient accès.

Focus Médias Afrique : En tant que réalisatrice et promotrice culturelle ,quelle est la place qu’occupe la critique cinématographique dans votre vie?

Françoise Ellong : La place de la Critique dans ma vie est essentielle. Moi j’ai toujours été une personne qui aime recevoir des critiques, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Parce qu’il y a toujours quelque chose à en tirer, un enseignement à avoir de ces critiques. Bien-sûre que je suis un être humain, donc une critique mauvaise va forcément panser mon cœur, mais je vais essayer de prendre du recul et me dire ok si c’est pas ça, si cette critique dit ce qu’elle dit,c’est qu’il y a eu quelque chose qui l’a poussée à le faire. Donc, j’essaie de comprendre et faire en sorte qu’il y ait quelque chose qui permettra que, dans le prochain film que je ferai,il y ait une réponse à cela. Pas une réponse dans le sens de vouloir justifier, trop montrer que j’ai compris, mais que ce soit ce qui permettra que je fasse un meilleur film, et que je sois,moi-même une meilleure version en tant que Réalisatrice et Scénariste. Je donne une place très grande à la Critique, que ce soient des proches, des professionnels, ou de mes pères, mes collègues. J’essaie toujours d’écouter parce que , quand on reçoit une critique,il faut parvenir à écouter, à apprendre sur soi, à prendre du recul et à se demander:qu’est-ce qu’on peut améliorer ? Donc, pour moi la Critique est vitale. Je ne peux pas avancer sans elle, ni évoluer sans elle. C’est comme avec une histoire que vous racontez ou des personnages que vous construisez: ils doivent évoluer. S’ils sont les mêmes du début à la fin c’est que vous avez vraiment fait un mauvais film. Mais si vous arrivez à évoluer, que les gens pensent que vous avez évolué positivement ou non; il y a eu une progression, évolution dans votre vision des choses. Moi j’ai besoin de cette critique tous les jours.

Propos receuillis par Thierry EDJEGUE

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