
Que s’est-il passé au Cameroun durant le mandat de la France avant et après l’indépendance de celui-ci ? Une copie de ce rapport a été remise au Président français, Emmanuel Macron, le 21 Janvier 2025 à Paris et au président Camerounais Paul Biya le 28 Janvier 2025. Seulement le contenu et la démarche suscitent déjà quelques interrogations. L’universitaire Richard Makon livre quelques préalable pour un tel travail. Lisons ensemble
L’ÉCRITURE DE L’HISTOIRE EST UN PROJET POLITIQUE
Il y a des préalables catégoriques à tout projet d’écriture ou de réécriture de l’histoire de ce pays ! J’en identifie au moins trois (03) :
LE 1er PRÉALABLE EST D’ORDRE POLITIQUE.
C’est de poser que l’écriture de l’histoire est UN PROJET POLITIQUE. Le poser c’est souligner que le préalable pour que le récit à produire soit accepté de tous est un CONSENSUS POLITIQUE MINIMUM de l’ensemble du corps politique.
Mais pour qu’il y ait un consensus politique minimum, il faut poser les bases d’UNE RÉCONCILIATION NATIONALE. Celle-ci exige trois choses au moins :
1- L’identification des victimes et de leurs bourreaux (dont de nombreux sont encore vivant au Cameroun comme en France) ;
2- La réhabilitation de nos martyrs, de leurs noms, de leurs visages et de leurs droits. La reconnaissance de la justesse de leur combat et la rélégitimation de la cause de leur engagement ;
3- L’organisation d’un exorcisme national pour laver le sang des martyrs, « autoriser » spirituellement leurs ayant droits à nommer leurs morts et reconnaître les visages de leurs défunts, et habiliter leurs héritiers à les exhumer, à les honorer et à les retourner à la terre dans la dignité et le respect de nos cultures ;
4- L’adoption des modes et moyens de réparation à l’endroit des victimes et de leurs ayant droits (réparation mémorielle, matérielle, financière, juridique et politique).
LE 2e PRÉALABLE EST D’ORDRE MORAL.
C’est de proclamer haut et fort que le bourreau ne peut en aucun cas être associé à l’écriture de l’histoire de ses victimes. Penser le contraire c’est une provocation, c’est insulter la mémoire des victimes, c’est moquer la douleur de leurs proches et insulter leurs ayant droits !
LE 3e PRÉALABLE EST D’ORDRE TECHNIQUE.
C’est de préciser que l’écriture de l’histoire n’est pas qu’une affaire d’historiens, dans la mesure où l’analyse des faits historiques nécessite le recours à une pluralité de savoirs (la sociologie, l’anthropologie, la science politique, la philosophie, la linguistique, l’économie et le droit au minimum).
L’analyse d’un fait historique peut être conduite de manière très différente selon qu’on est historien, politiste ou anthropologue.
De même, quelle compétence l’historien peut-il avoir pour analyser la dimension économique de cette séquence historique, ou décrypter le discours-objet juridique produit à ce moment-là (code de l’indigénat, arrêtés des Gouverneurs coloniaux, décisions de police administrative des Préfets, entre autres). L’archive coloniale est considérablement juridique !
Sans le respect de ces préalables tout le reste n’est que diversion, perte de temps et d’argent, pour garder un minimum de correction et d’élégance !!!