Éducation : L'ECHEC DES DIPLÔMES

Le diplôme est un acte qui confère et atteste un titre, un grade. C’est aussi un examen, concours que l’on passe pour obtenir une qualification, un certificat d’aptitude professionnelle par exemple. Dans notre monde, le diplôme est donc très important parce que, plus on en a, plus on a les chances d’une meilleure insertion socio-professionnelle, et, surtout, plus on est estimé des autres. Il n’y a qu’à voir la fierté avec laquelle les intellectuels abonnés de plateaux télé au Cameroun parlent de leurs diplômes et des institutions dans lesquelles ils les ont obtenus. Ne vous amusez surtout pas à leur manquer de respect ! Ils vous diront « mouf », « chien », etc. Que leurs enfants les regardent, ils n’en ont rien à cirer. Ils doivent rétablir l’ordre quand ils se sentent rabaissés, même si c’était loin d’être l’intention de leur vis-à-vis dont ils ont pris le soin d’étudier le parcours académique (en le comparant au leur) avant de se rendre à la télé pour leur démonstration de forces. Ça peut paraître caricatural, mais c’est le genre d’individus que les diplômes produisent aujourd’hui au Cameroun.

Moi, quand j’allais à l’école, je voyais dans le diplôme la compétence. Et je suis persuadé que c’est ce qu’y voyaient aussi ceux qui l’ont institué. Si tel est donc le cas, la compétence qu’a apportée le diplôme ne devrait pas se proclamer, elle devrait plutôt être découverte par l’autre qui nous voit faire ou nous entend parler. Comme un danseur doit laisser les spectateurs apprécier sa prestation, de même les diplômés devraient laisser les autres reconnaître leurs compétences. On m’a souvent dit que les chiens peureux sont ceux qui aboient le plus. Je ne suis pas en train de dire que le diplôme devrait forcément forger le caractère qui, à mon avis, procède de la saine spiritualité. Mais le diplômé, le vrai, devrait dégager une assurance qui réduit le volume de sa voix et amplifie ses compétences. Si on a plus d’intellectuels (supposés) qui vocifèrent, hurlent et aboient, ne serait-on pas en droit d’affirmer que les diplômes ont échoué ?

Mais pourquoi les diplômés vocifèrent-ils? A mon avis, la réponse se trouve dans les représentations qu’ils se font du diplôme. Comme je l’ai dit plus haut, le diplôme offre de meilleures chances d’insertion socio-professionnelle et, dans notre contexte, suscite l’admiration des autres. Pour y arriver (à obtenir le diplôme), plusieurs ont dû mouiller le maillot, consentir des sacrifices qui, pour certains, leur coûter leur dignité. Il ne faut pas négliger les cas de tricherie. Ne dit-on pas que la fin justifie les moyens ? Mais il arrive très souvent qu’à la fin du parcours, ce ne sont pas les plus méritants qui soient récompensés. Les diplômés aux forceps ou fabriqués de toutes pièces, aidés par le népotisme, le clientélisme ou les réseaux finissent par être recrutés ou nommés à de juteuses et prestigieuses fonctions. Voilà l’injustice qui va créer la guerre des diplômes et les vouer à l’échec. Les diplômés fabriqués, ces parvenus qui ont été parachutés, trouvent dans les aboiements un moyen de se donner un peu de consistance. Mais que c’est souvent laborieux ! Parfois ridicule ! Mais ils ne reculeront jamais. Les autres diplômés, les plus méritants et lésés, se laissent aussi pousser à la faute en exprimant, par des aboiements, leurs frustrations face à un système qui a élevé au-dessus d’eux, ceux qu’ils ont toujours dépassés à l’école par le mérite. Le système a donc produit des diplômés aboyeurs sur les plateaux télé, pourtant le Cameroun n’attend d’eux que leurs compétences indispensables à sa construction.

Je n’ai pas l’habitude de ces sujets. J’ai surtout laissé parler mon inspiration. En passant, les plateaux télé sont plus animés les dimanches.

Jean Baptiste NZOGUE , Enseignant, chercheur à l’université de Douala

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