
Dans un contexte économique où la transparence et l’efficacité financière sont plus que jamais nécessaires, une récente étude a mis en lumière la situation préoccupante des finances publiques au Cameroun. En effet, 148 comptes publics répartis sur 16 banques commerciales détiennent actuellement plus de 711 milliards de FCFA d’argent public, une somme significative qui échappe à la centralisation prévue par la réforme budgétaire de 2018. Ces informations ont été révélées par Sophie Boumsong, responsable de la division de la Réforme budgétaire au ministère des Finances et coordonnatrice du Projet d’appui à la gouvernance financière – phase III (PAGFI III).
La majorité de ces fonds provient de l’administration centrale et des établissements publics, excluant les financements extérieurs. Parmi les banques concernées, la Banque internationale du Cameroun pour l’épargne et le crédit (BICEC) détient près de 20 milliards de FCFA sur 25 comptes, tandis qu’AFG Bank Cameroun abrite 255 milliards de FCFA sur 14 comptes. UBA et SCB, quant à elles, totalisent respectivement 135 milliards de FCFA et 43 milliards de FCFA dans leurs comptes.
La réforme budgétaire, mise en place en juillet 2018, vise à instaurer l’unicité de caisse, permettant ainsi une centralisation des encaissements et une décentralisation des décaissements. Cependant, cette initiative se heurte à une forte résistance de la part des établissements publics, qui préfèrent conserver le contrôle sur leurs ressources financières.
Le gouvernement souligne que le Compte unique du Trésor, situé à la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), favoriserait une gestion plus efficace des dépenses publiques et renforcerait la crédibilité de l’État sur les marchés financiers. En effet, la centralisation des fonds pourrait également harmoniser les délais de paiement, actuellement estimés à trois mois.
Cependant, le ministère des Finances avertit que les retards dans le règlement des prestations de l’État sont exacerbés par l’insuffisance de liquidités dans le Compte unique. À la fin de l’année 2023, 711 milliards de FCFA étaient encore immobilisés dans les banques commerciales, alors que les restes à payer de l’État s’élevaient à 387 milliards de FCFA.
Paradoxalement, le gouvernement continue de mobiliser des ressources sur le marché monétaire. À la fin de 2024, le Cameroun avait émis 252 milliards de FCFA d’Obligations assimilables du Trésor et 637 milliards de FCFA de Bons du Trésor, générant ainsi des intérêts à rembourser s’élevant à 38 milliards de FCFA. Dans le même temps, les marges de trésorerie demeurent disponibles mais inaccessibles dans les comptes bancaires commerciaux.
Face à cette impasse, le ministre des Finances a appelé l’équipe du PAGFI III à intensifier ses efforts pour améliorer la gestion de la trésorerie de l’État et optimiser le pilotage du service bancaire public. La situation actuelle soulève des questions cruciales sur l’efficacité de la gestion des finances publiques et la nécessité d’une réforme véritablement opérationnelle pour le bénéfice de l’économie nationale.