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Le Cameroun s’engage à devenir exportateur d’énergie électrique d’ici 2030, en dépit de ses propres pannes de réseaux

Dans le Compact énergie national, feuille de route élaborée par le gouvernement camerounais et ses partenaires internationaux en vue du développement des infrastructures énergétiques durables à l’horizon 2030, le pays prend l’engagement d’oeuvrer pour devenir un exportateur de l’énergie électrique dans cinq ans. « Le gouvernement de la République du Cameroun réaffirme son ambition de devenir un pays exportateur de l’électricité à l’horizon 2030, en renforçant les interconnexions électriques, en facilitant le transit des énergies et en augmentant les exportations vers d’autres pays. », lit-on dans le document.

Pour réaliser cet objectif, en plus de ses pairs de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), que sont le Tchad,  le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et la République centrafricaine (RCA), le Cameroun lorgne le Nigeria, le géant de l’Afrique de l’Ouest qui partage une longue frontière avec le Cameroun dans ses parties septentrionale et méridionale. Dans le Compact énergie national, le Cameroun prévoit d’ailleurs la mise en service de la ligne d’interconnexion avec le Tchad au cours de l’année 2028.

En effet, dans le cadre du Projet d’interconnexion des réseaux électriques du Tchad et du Cameroun (Pirect), actuellement en cours de réalisation des côtés tchadien et camerounais, il est prévu que Yaoundé fournisse 100 MW d’électricité à ce pays voisin dès l’année 2027, à partir du barrage de Nachtigal (420 MW), récemment mis en service dans la région du Centre du pays. Si ce projet financé par différents bailleurs de fonds internationaux est bien parti pour inaugurer l’ère de l’intégration énergétique en Afrique centrale, tous les autres projets d’interconnexion évoqués dans le Compact énergie du Cameroun sont encore au stade embryonnaire. En dépit de l’accord cadre relatif à l’interconnexion électrique entre le Cameroun et le Nigéria signé le 18 février 2011, c’est-à-dire il y a 14 ans.

Au demeurant, au-delà de pouvoir formaliser ses projets d’interconnexion avec les différents pays concernés dans les délais requis, le principal obstacle auquel se heurte l’ambition du Cameroun de devenir exportateur d’électricité dès 2030 est structurel : le pays peine déjà lui-même à satisfaire ses propres besoins en électricité. En effet, en dépit de la mise en service du barrage de Nachtigal, qui, avec ses 420 MW a augmenté de 30% les capacités installées du pays – près de 2000 MW – les entreprises et les ménages continuent de crouler sous le poids des désagréments.

L’exemple de la Côte d’Ivoire

La faute à des réseaux de transport et de distribution vieillissants, qui nécessitent d’importants investissements pour leur mise à niveau, dans un contexte marqué par un déséquilibre financier criard dans le secteur de l’électricité. Illustration : les tarifs au public sont bloqués depuis bientôt 15 ans, alors que les coûts de production sont de plus en plus importants ; l’Etat peine à verser à la société Eneo, le concessionnaire du service de l’électricité, la subvention d’équilibre connue sous l’appellation de compensation tarifaire ; l’Etat central et les entités publiques cumulent plusieurs milliards de FCFA de consommations impayées chaque année, etc.

Résultats des courses : Eneo affichait officiellement un endettement global de 800 milliards FCFA fin 2024, dont 500 milliards de dettes envers ses fournisseurs et 80 milliards de créances. En 2022, cette dette atteignait déjà 700 milliards FCFA, dont 336 milliards dus aux fournisseurs, soit 48% du total. A cause de ce lourd endettement et des tensions de trésorerie quasi-permanentes, cette entreprise contrôlée par le fonds d’investissement britannique Actis n’a récemment pas réussi à obtenir un prêt de 210 milliards de FCFA sollicité auprès de la Société financière internationale (SFI), en raison de sa « santé financière et de la qualité de la gouvernance ». Pourtant, apprend-on, ce concours financier devait permettre de réaliser certains investissements sur le réseau électrique national.

Dans ce contexte d’endettement plutôt lourd, de sous-investissement dans le transport et la distribution, de manque de financements pour investir et de fragilité des opérateurs du secteur de l’électricité, il est difficile d’envisager de devenir exportateur d’électricité sur le moyen terme. Cependant, s’il réussi un tel exploit, le Cameroun, qui est doté du 3è potentiel hydroélectrique d’Afrique subsaharienne (12 000 MW), derrière la RDC et l’Ethiopie, rejoindra alors des pays tels que la Côte d’Ivoire. En effet, depuis plusieurs années, grâce à une politique d’infrastructures agressive depuis le milieu des années 90 – grâce aux incitations à l’investissement privé – la Côte d’Ivoire exporte l’électricité vers le Ghana, le Togo, le Bénin, le Burkina-Faso, le Mali et le Liberia.

Texte et credit photos: Brice R. Mbodiam de Investir au Cameroun

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