
L’organisme censé défendre les droits humains a été le théâtre d’une affaire présumée de harcèlement sexuel impliquant le président de la Commission nationale des droits de l’homme. Face au silence des autorités sur ce long processus judiciaire, un collectif de féministes et de défenseur·e·s des droits des femmes a interpellé Paul Biya au sujet de l’affaire concernant Judith Espérance Nkouete Messah, présumée victime de harcèlement sexuel.
Ce collectif, membre de la société civile, exige la suspension immédiate de James Mouangue Kobila. La lettre adressée au chef de l’État débute ainsi :
« Excellence,
Le Cameroun ne peut rester silencieux face à un scandale qui souille son honneur : un homme accusé de prédation sexuelle, de harcèlement systémique et de manipulations judiciaires dirige la Commission des Droits de l’Homme (CDHC). Le Professeur James Mouangue Kobila entraine la Commission et la justice dans une affaire honteuse. Nous, défenseurs des droits humains, refusons que les institutions soient soupçonnées d’être des outils de terreur. Les violences sexuelles ne sont pas des erreurs : ce sont des crimes. Les présumés prédateurs sexuels ne méritent pas d’être juges et parties quand il faut répondre de leurs actes.
La démarche du Pr Kobila s’apparente à un harcèlement judiciaire : huis clos illégitime, pour étouffer une plainte pour harcèlement sexuel, assorti d’une procédure qui s’embourbe et s’éternise. Mais au-delà de ce huis clos, ses crimes publics crient au scandale. Licenciée en plein repos médical le 28 février 2024, date qui intervient curieusement après la plainte déposée pour harcèlement sexuel, Dame Espérance Tsemo, son ex- collaboratrice, semblerait subir une vengeance institutionnelle pour avoir osé parler. Le parquet du tribunal a requis : aucun motif valable pour son licenciement, seulement une démarche punitive qui aurait été préméditée.
Si ce n’était que cela ! Le président de la CDHC s’emploie à attaquer la liberté d’expression afin de se protéger : des procédures offensives sous huis clos ont été initiées contre des responsables d’un média privé, NAJA TV, mais aussi contre un acteur de la société civile, enseignant d’université de surcroit, pour avoir voulu simplement s’exprimer sur cette affaire qui intéresse tous les justiciables camerounaises et camerounais.
Comme si les peines de la désormais ex-collaboratrice du président de la CDHC ne suffisaient pas, elle est attaquée pour « cybercriminalité », pour avoir partagé un article critiquant le silence de la CDHC face à la torture de Longuè Longuè.
Un ensemble de manœuvres qui questionnent. Normalement, tous les efforts devraient être mis en œuvre pour que vérité soit dite sur les accusations de harcèlement sexuel, pour l’intérêt de la Commission. A contrario, on assiste à un enchaînement de procédures qui auront juste pour effet de complexifier la première et de retarder l’éclosion de la vérité.
Tout cela n’est pas de nature à diluer les suspicions de prédation sexuelle dont se plaint la victime. Car, en général, les prédateurs sexuels prospèrent grâce à des mécanismes vicieux : ils utilisent leur position pour isoler les victimes, épuiser leurs ressources et corrompre la justice. Cela est perçu comme des méthodes de silenciation envers les victimes ou quiconque les soutiendrait manifestement. Avec les différents huis clos, prononcés par décisions de justice à la demande du président de la Commission, et les procédures offensives initiées par lui, les doutes et les craintes ne cessent de croître à l’endroit de cette institution ô combien indispensable aux citoyennes et citoyens camerounais.
Comment un homme accusé d’outrage à la pudeur et de chantage peut-il présider une institution qui devrait protéger les survivantes ? Sachant que, selon la loi promulguée par vos soins portant création, organisation et fonctionnement de la CDHC, la Commission a le pouvoir d’auto-saisine sur toute affaire de violation de droits humains, mais aussi le pouvoir d’enquêter et d’auditionner. Ce qui fait d’elle un acteur de justice devant collaborer étroitement avec le parquet et le siège. En dehors d’un probable risque de délit d’initié, il y a lieu de se préoccuper des magistrats, qui voudront aller au bout des procédures dans ces affaires sans compliquer les relations entre les tribunaux et la Commission dans la diligence des affaires de droit commun. Le Professeur Mouangué Kobila, déjà soupçonné, selon les réquisitions du parquet, d’avoir embarqué la Commission dans le déshonneur de la préméditation de licenciement abusif, pourrait embarquer toute la justice dans cette affaire scabreuse. Notre justice mérite-t-elle d’être embourbée dans pareil scandale à cause d’une seule personne ? Il devient impérieux de préserver l’image de la justice et de la Commission des Droits de l’Homme du Cameroun auprès des citoyennes, des citoyens et des institutions nationales et internationales.
Excellence, nous réclamons :
- la suspension temporaire immédiate du Pr James Mouangue Kobila de la
CDHC pour le temps de la procédure, pour éviter que le manque de confiance s’établisse entre la CDHC et les justiciables, mais aussi les partenaires nationaux et internationaux ; - la fin du huis clos illégitime, permettant de mettre à la lumière la vérité sur les accusations de harcèlement sexuel, afin que l’image de la justice et de la Commission soit réhabilitée ;
- une enquête indépendante sur l’utilisation des ressources de la CDHC pour ces procédures ;
- la protection de la plaignante de toutes représailles, ainsi que celle des personnes menacées de poursuites pour avoir osé parler de ces affaires.
Sachant que, conformément à la loi promulguée par votre diligence, le président de la Commission a juré « solennellement de bien et de fidèlement remplir avec probité, impartialité et indépendance les fonctions » qui sont les siennes, devant la cour suprême, et que l’article 76 du règlement intérieur, signé par Pr Mouangué Kobila en personne, stipule que « les Commissaires sont soumis à la triple obligation de probité, d’impartialité et d’indépendance », votre intervention viendrait rétablir ces sacro-saints principes.
Veuillez agréer l’expression de notre engagement militant.»