
Le Président Paul Biya remporte l’élection du 12 octobre courant. Les compatriotes et la diaspora l’ont élu avec un suffrage de 53,66%. La langue du contexte de 1982 disait alors que Paul Biya était devenu Ahidjo
Les hommes étaient encore plus forts que les institutions
Paul Biya est devenu Ahidjo. C’est le 6 novembre 1982. Beaucoup sont incapables de faire la différence entre le nom de l’ancien Président de la République et sa fonction officielle. Le taux d’alphabétisation est encore faible. Seuls 41% de compatriotes savent lire et écrire. Le pourcentage en question déteint sur leur culture administrative et politique. Paul Biya est donc devenu Ahidjo. En d’autres termes, Paul Biya a succédé à Ahmadou Ahidjo en tant que Président de la République du Cameroun. La confusion vient aussi du fait que le nom de l’ancien chef de l’État devient un symbole de la fonction elle-même. Ahidjo ne désigne plus seulement l’homme. Il représente davantage la fonction de président qu’il a occupée. Par extension, « Paul Biya est devenu Ahidjo ». Le sens à donner est que Paul Biya incarne désormais cette même fonction présidentielle.
Éloge au français pour les nuls
La phrase « Paul Biya est devenu Ahidjo » est une manière de parler en français facile et accessible. Il permet à tous, y compris à ceux qui ont un niveau limité en lecture et écriture, de comprendre rapidement l’idée essentielle : Paul Biya a succédé à Ahmadou Ahidjo à la présidence de la République. Ce mode d’expression simplifié facilite la circulation de l’information politique et historique. L’expression en question donne aussi de comprendre la fonction présidentielle. Elle est totale et autoritaire. Le Président la domine. C’est le centre du pays et du pouvoir. Il incarne donc le pouvoir central.
Un antécédent avec l’histoire du Cameroun
Paul Biya est devenu Ahidjo se comprend également comme le fait d’effacer André Marie Mbida de l’histoire de manière involontaire. Le Premier ministre inaugural de l’histoire du Cameroun tombe sous le coup de l’oubli. Il est pourtant le tout premier chef de gouvernement à la faveur de la loi-cadre Defferre de 1957. Elle accorde l’autonomie aux colonies. Le facteur lié au temps compte dans l’amnésie au sujet d’André Marie Mbida. Son séjour aux affaires est éclair. Amadou Ahidjo séjourne plus dans la tête des compatriotes. Il y siège sans partage de 1958, éviction d’André Marie Mbida, à 1982, son année de démission.
Un homme encore plus fort que son illustre prédécesseur
Paul Biya est donc devenu Ahidjo. Il est devenu un homme fort. Il est devenu un homme plus fort. Il hérite d’un Cameroun bâti. Paul Biya l’institutionnalise, le consolide et le rend durable. Il transforme la présidence en une fonction de continuité et de permanence, notamment au-dessus des crises, des régimes et des générations. Paul Biya symbolise la maîtrise du pouvoir. Il transforme le temps en un instrument politique : plus qu’un président, il est devenu une époque. En plus de quarante ans de pouvoir, il modèle le Cameroun et lui impose une forme de stabilité que même ses adversaires reconnaissent.
Une erreur de lecture dans le passé
La phrase « Paul Biya est devenu Ahidjo » ne se dit plus. Le Cameroun change. La culture politique s’affine. L’école élargit les horizons et l’université produit des citoyens capables de faire la différence entre un nom propre et une fonction d’État. Les jeunes générations, mieux formées, maîtrisent les repères de l’histoire nationale et comprennent les dynamiques institutionnelles. Le taux d’alphabétisation fait des sauts qualitatifs. Les médias sont plus professionnels et les instituts de sciences politiques multiplient les travaux sur la gouvernance et la mémoire nationale. Les débats publics, jadis oraux et spontanés, sont désormais structurés, documentés et argumentés. Internet, les réseaux sociaux et l’enseignement supérieur transforment la conversation nationale : le Cameroun parle désormais en termes de concepts, en marge en images. Dire « Paul Biya est devenu Ahidjo » serait donc une erreur de lecture du passé. La République est mûre et ses citoyens savent désormais distinguer l’homme, la fonction et l’histoire. Lui-même déclare dans son discours d’investiture en 1982 : « l’État est une continuité. Je m’inscris dans cette continuité. Fin de citation.
Paul Biya est devenu Ahidjo est une livraison du Petit dictionnaire sonore du 28 octobre 2025, sur le Poste national de la CRTV à 6h20 et 12h10.
Le Petit dictionnaire sonore est une fresque radiophonique de trois minutes. Les mots y prennent la parole. Ils disent le Cameroun à travers ses expressions uniques, ses sons, sa mémoire et son identité culturelle
Télesphore Mba Bizo
Journaliste-éditorialiste / Traducteur principal

