
À l’approche de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025, le paysage politique camerounais est marqué par un débat intense autour de la “question Bamileké”. Des camps se forment, les positions se durcissent, et le climat se polarise.
Face à ce qu’il considère comme une dérive nuisible au débat démocratique, l’homme de droit Ulrich Xavier Ovono Ondoua a choisi de sortir de son silence.
Voici sa prise de parole :
« NE NOUS TAISONS PAS
« Si tu es bami, c’est que Dieu t’a maudit ha ha hou ha ha hou ha ».
« Iiiiikiiiiii avec la finale que la Colombe du Sud vient de gagner les filles bulu, ont offert les coups ndjo’o dans les auberges qui étaient saturées ».
« Pardon, un pygmée de l’Est peut m’enseigner quoi ? Tu as déjà vu quelqu’un de l’Est qui n’est pas villageois ? »
« Gars je l’ai d’abord call, le mboutman est venu, un bamenda comme ça ».
« Mon frère sois sage, c’est un bamoun, un serpent à deux têtes ».
» Regarde moi le maguida là, bête comme un mouton ».
« Aka un sawa ? Pardon il frime comme ça il vit dans une petite chambre en planches à Deido ».
« Dis donc Atango, bois toi ton vin, à part le vin tu connais encore quoi ? »
Voilà les grands stéréotypes qui grèvent notre vie publique depuis toujours. J’ai envie de dire que dans tous les pays il y a ce genre de stéréotypes. On connait ceux qui concernent les corses, les catalans, les suisses allemaniques etc… A quel moment ces stéréotypes sont devenus le marqueur d’un tribalisme « INSTITUTIONNEL » (pour reprendre l’expression qui pollue la discussion publique depuis quelques jours) anti bamileke ?
Le Professeur Maurice Kamto a été recalé au palier des investitures. L’on comprend que ses partisans soient peinés. Il en est de même des partisans du MP, de l’UPC. Mais pourquoi agiter le chiffon tribal pour venir soutenir l’idée d’un tribalisme INSTITUTIONNEL anti bamiléké ?
Peut être nous ne comprenons pas les mots de la même manière. Mais je suis désolé, cette affirmation passe mal chez moi pour trois raisons.
- Il faut que les hommes politiques, les hommes de média, les artistes, les gens qui ont fréquenté et qui ne sont pas forcément des intellectuels, prennent la mesure de l’amplitude de leurs propos. Quand on veut faire sérieux, pour soutenir un point de vue aussi grave, on s’entoure d’un minimum de précautions. L’une d’elle est de conduire une enquête de perception en indiquant la méthodologie pour que toutes les personnes qui en contesteront les résultats, puissent mener une contre analyse. A ce jour, nous avons une prolifération d’affirmations sans ancrage scientifique. Mais on veut l’imposer comme une évidence pour tous. A tel point que le nier fait de vous un « bamiphobe » nouvelle expression à la mode. Je me refuse de déjeuner à ce banquet. Ce qui me conduit au deuxième point.
- Il faudrait que les prescripteurs et les relais de cette affirmation balancée à la première chaleur d’une émotion dont les ressorts doivent être questionnés, se souviennent que le Cameroun ce n’est pas que Yaoundé et Douala. Nous sommes une grande société rurale. Pour nous autres qui avons l’avantage de connaître notre pays, nous avons la faiblesse de penser que le fermier de Kousseri avec lequel nous avons bu du Tchaï, l’agriculteur de Djoum avec lequel nous avons dansé à Oyô Mômô, celui du Koupé Mouanengouba qui nous a offert le eru, l’apiculteur de Tignere dont le sourire habite nos souvenirs, ou encore mon grand père OVONO MENGUE ME ZEUNG, alors Chef de Groupement, accueillant ceux que nous appelions Tonton, et dont aucun n’était de notre lignée, toutes ces personnes là, quand elles vivent au quotidien, n’en n’ont que cure du tribalisme en général. Cette perception est une affaire citadine, fabriquée pour des raisons de politique politicienne, liées à la conquête du pouvoir politique. Si le sujet n’était pas aussi grave, j’aurai dit que c’est de bonne guerre. Mais le sujet est éminemment grave et touche à la cohésion nationale qu’il faut donner de la voix pour stopper la saignée qui commence sous des aspects de mille collines. Il faut se garder de jouer avec de telles allumettes. Surtout qu’en le faisant, ceux qui s’y prêtent, n’ont pas requis l’assentiment préalable de tous les bamilékés. Ce qui me conduit au troisième point.
- J’ai 39 ans, cela peut faire jeune, mais assez vieux pour plonger les pieds dans le souvenir de mon enfance à ce jour. Au plan politique, la Région de l’Ouest est mieux représentée que plusieurs recoins du Sud, qu’on nomme pays organisateur. Le dernier Ministre de la vallée du ntem était un Ministre délégué et ça fait plus de 15 ans. Du point de vue de la vie économique, ce milieu est dominé par les compatriotes de l’Ouest sans qu’il n’existe aucune politique tendant à les exclure du milieu des affaires, bien au contraire, ils sont bénéficiaires, comme les autres, moins nombreux, des politiques de soutien économique. Que les politiques, ressortissants de la Région de l’Ouest, ne viennent pas jeter l’anathème sur leurs autres frères qui vivent de leur activité, qui occupent des positions administratives et ne souhaitent pas être dérangés dans celle ci, en représailles à une solidarité qu’on ne manquera pas de leur coller sous le prétexte que ne s’en étant pas offusqué, ils en partagent les grandes lignes.
Il faut que cesse cette farine qui enfle depuis Yaoundé, Douala et sur les réseaux sociaux, qui tend à faire croire que l’ ensemble des camerounais a un problème avec les bamilékés. Et le dire à partir d’un stéréotype sans évoquer les stéréotypes qui collent à toutes les communautés, manque d’honnêteté. C’est une tentative de manipulation mortifère qui à terme, peut braquer des gens qui n’en avaient rien à faire. Nous avons un pays à construire. La gouvernance actuelle nous donne plus de raisons d’être inquiets que d’espérer. C’est dans cette direction qu’il faut regarder et non allumer des feux de division pour une gloriole qui ne devrait pas supplanter l’intérêt national.
Ultimement, je souhaite quand même poser une question. Pourquoi ce débat sur la tribu ressurgit systématiquement en contexte électoral ?
La réponse est simple, C’EST UN FONDS DE COMMERCE POLITIQUE.
Nous sommes désormais vigilant, nous n’allons plus nous laisser prendre à ce jeu du « bia bia » ou à celui victimaire de « je suis bamiléké et fier de l’être ». On n’est pas fier d’être beti ou bamiléké contre quelqu’un. On est fier de l’être pour soi même.
Faites vos choses, mais laissez nous nous aimer et faire nos enfants en paix parce que la nuit quand on dort, on ne cherche pas la tribu sous la couette… »