À l’occasion de ses 30 ans de carrière dans l’art performance, Christian Etongo revient sur sa vision de la discipline, son engagement auprès des jeunes artistes, et le programme de célébration prévu sur quatre jours. Rencontre avec un pionnier.

Focus médias Afrique : Christian Etongo, vous célébrez 30 ans de carrière dans l’art performance. Pour commencer, comment définissez-vous cette pratique artistique souvent difficile à cerner ?
Christian Etongo : Justement, on fait exprès de ne pas lui donner une définition figée. Chaque artiste a sa propre lecture. Pour moi, après mes études et mon parcours, la performance, c’est le geste du quotidien pris comme de l’art. C’est ce zeste de vie, cette action simple qui devient langage, rituel, émotion. C’est ça, la performance.


Focus médias Afrique : Vous insistez souvent sur la transmission. Pourquoi est-ce si important pour vous ?
Christian Etongo :
Parce que c’est ce qui reste. J’ai toujours voulu faire rêver les jeunes, les artistes. C’est pour ça que j’appelle souvent mon cercle de travail Dream League. Moi aussi, j’ai rêvé. Et aujourd’hui, je suis là parce que j’ai cru à ce rêve. Mon devoir, c’est de transmettre, de faire connaître les valeurs de notre culture, pas seulement celle du Cameroun, mais de l’Afrique dans son ensemble.


Focus médias Afrique : Quel est le programme prévu pour ces quatre jours de célébration ?
Christian Etongo : C’est un programme dense et symbolique. Aujourd’hui, nous avons tenu une conférence de presse pour lancer les festivités. Demain( mercredi,17 décembre 2025), je donne un atelier de performance de 10h à 15h. Ce sera un moment de transmission, mais aussi de création collective. Le soir, nous présenterons une restitution publique de cet atelier.
Jeudi(18 décembre 2025), nous inaugurons une exposition rétrospective à l’espace A(fro)topos, avec des photos, des archives, des traces de mes performances passées. Ensuite, il y aura la coupure du gâteau, une performance collective et un concert festif.
Vendredi,(19 décembre 2025),à partir de 10h, nous organisons une table ronde sur les enjeux de la performance aujourd’hui, en Afrique et dans le monde. Des scientifiques, des historiens, des entrepreneurs seront présents. Et pour clôturer, vendredi soir, un grand concert avec des artistes venus des États-Unis, de France, et bien sûr du Cameroun – de Yaoundé, Douala, Bafoussam… Ce sera un moment fort.

Focus médias Afrique : Quelle est la suite après la célébration de vos 30 ans de carrière ?
Christian Etongo : Ma vie est une performance. Honnêtement, je ne sais pas ce que l’avenir me réserve après ces 30 années.


Focus médias Afrique : En 30 ans, aucune reconnaissance étatique. Ressentez-vous de la frustration ?
Christian Etongo : Ma vie est faite de frustrations, de larmes, de pleurs et de déceptions. C’est ainsi que fonctionne notre système. Je ne saurais quoi vous dire. J’ai souvent été informé par des tiers de décisions me concernant au ministère. Mon pays est le seul à enseigner mes œuvres et à utiliser mon travail sans jamais m’en informer. C’est par pur hasard que je l’ai découvert. Mes médailles et autres récompenses, ce sont les enfants que j’ai formés et qui tournent aujourd’hui à l’international. En octobre 2025, j’ai été reçu, à ma grande surprise, par le ministre des Arts et de la Culture, accompagné d’une dizaine de directeurs du ministère. Ce fut un moment fort pour moi et mon équipe.

Focus médias Afrique : En 30 ans de carrière, qu’avez-vous apporté à l’art performance au Cameroun ?
Christian Etongo : J’ai contribué à faire connaître l’art performance. Mon apport, au Cameroun comme en Afrique, c’est la valorisation de cette forme d’art. Ma particularité, c’est la promotion de nos traditions, de nos rites et autres rituels ancestraux.

Focus médias Afrique : Pourquoi prendre autant de risques dans vos représentations ?
Christian Etongo : C’est l’essence même de ma pratique artistique. Je me suis autoproclamé guérisseur traditionnel (ndeudjan). Dans mes performances, je suis en quête de ce qui soigne l’humain. Mon travail est plus rituel qu’artistique. Mes performances ne sont pas seulement subversives ou politiques, elles sont aussi thérapeutiques.


Focus médias Afrique : Quel message souhaitez-vous transmettre aux jeunes artistes qui veulent se lancer dans la performance ?
Christian Etongo : Je leur pose toujours la même question : Pourquoi veux-tu faire de la performance ? Est-ce parce que tu as vu quelqu’un d’autre le faire, ou parce que tu ressens un besoin profond de t’exprimer ainsi ? Il faut d’abord comprendre son intention. Ensuite, il faut travailler. Lire. Être curieux. Se former. Chercher des modèles, même s’ils sont rares dans notre contexte. Il faut les trouver, les étudier, et surtout, ne jamais cesser de rêver.
Propos recueillis par Thierry EDJEGUE










