Depuis sa création en 2015 par le Goethe-Institut Kamerun, Goethe-Découverte s’est imposée comme une plateforme incontournable de valorisation des jeunes artistes camerounais. Ce programme ambitieux soutient l’émergence de talents de diverses disciplines.
Chaque année, un jury composé de professionnels chevronnés sélectionne des lauréats à l’issue d’un concours rigoureux. Ces artistes bénéficient ensuite d’un accompagnement sur mesure pour développer, affiner et présenter leurs projets créatifs au public. L’objectif : offrir un tremplin vers la professionnalisation et renforcer les capacités des jeunes talents dans un environnement artistique en constante évolution.
Alors que Goethe-Découverte célèbre en 2025 son 10ᵉ anniversaire, l’heure est au bilan. Pour en parler, nous avons rencontré Raphaël Mouchangou un des responsable de Goethe-Institut au Cameroun. Retour sur une décennie d’engagement, de créativité et de révélations artistiques. Suivez plutôt…
Focus media Afrique : Pouvez-vous nous présenter la genèse du concept Goethe-Découverte ? Quelles étaient les ambitions initiales du programme ?
Raphaël Mouchangou: Initiée en 2015 par le Goethe-Institut Kamerun, Goethe-Découverte est une plateforme de promotion de jeunes talents artistiques camerounais dans plusieurs disciplines (bande dessinée, musique, arts visuels, théâtre, danse, paroles prononcées). Les lauréat*e*s sont sélectionné*e*s par un jury de professionnel*le*s à la suite d’un concours et ils/elles bénéficient d’un accompagnement multiforme dans la préparation et la réalisation de leur projet créatif. Le but de cette initiative est d’apporter aux jeunes artistes camerounais une plateforme d’expression ainsi que de renforcer leurs capacités dans divers domaines de leur métier afin de les professionnaliser davantage.

Focus media Afrique: Qui étaient les premiers membres du jury, et surtout, qui furent les premiers lauréats ?
Raphaël Mouchangou: Chaque année effectivement le jury change mais deure constitué d’acteurs et opérateurs importants et établis de la scène culturelle locale et internationale. Lors des deux premières années (2015-2016) par exemple nous avions comme jurés : Chembifon Muna (opérateur culturel), Monica Nkodo (journaliste culturelle), Faison Hilarion Wirdzeka (administrateur culturel, Luc Yatchokeu (opérateur culturel), Pr. Paul-Henri Assako Assako (Enseignant d’histoire de l’art), Rita Diba (journaliste culturelle), Serge Maboma (musicien), David Noundji (homme de théâtre), Pr. Guy Francis Tami (enseignant de théâtre),
Parmi les lauréats, on comptait entre autres : Laro, Elsa Mballa, Snake, Abdias Ngateu, Tally Mbock, Estelle Mveng, Agathe Djokam, Sn9per Cr3w ou encore Eboko et Leberger.
Focus media Afrique: Quel est le profil type des jurés ? Quels sont les critères de sélection pour faire partie du jury ?
Raphaël Mouchangou:Nous recherchons des profiles aussi divers et variés que artistes, acteurs de la scène culturelle, enseignants et ou chercheurs en art, organisateurs de festivals, journalistes et critiques d’art, etc. Bref toute personnes qui jouit d’une connaissance de l’environnement artistique et qui ait un regard averti sur la production artistique. Nous veillons cependant aux équilibres qu’on s’efforce d’appliquer à nos castings tels que ceux de la langue (anglais et français), du genre, et de la géographie. En d’autres termes, nous essayons d’avoir dans chaque jury des femmes et des hommes, des anglophones et des francophones, de même que des opérateurs actifs dans diverses villes du pays.
Focus media Afrique: Pourquoi avoir instauré une limite d’âge pour les candidatures ? Cette contrainte a-t-elle évolué au fil des éditions ?
Raphaël Mouchangou:Nous nous sommes dit que si nous recherchons des jeunes talents, il faut bien se donner une limite. Le mot jeunesse peut être diversement interprété, surtout au Cameroun. Mais nous pensons qu’un artiste véritablement talentueux peut impacter le monde avant 25 ans comme beaucoup l’on fait et le font. 35 ans était pour nous une marge à ne pas dépasser. C’est aussi cela l’encouragement de la jeunesse. Cependant nous avons d’autres plateformes qui profitent aux autres générations.
Focus media Afrique: Quelle a été la contribution du Goethe-Institut, en général, et de sa branche camerounaise en particulier, dans le développement du programme au fil des années ?
Raphaël Mouchangou:Le Goethe-Institut investit d’importants moyens logistiques, humains, financiers et intellectuels dans cette plateforme. Il faut se rappeler qu’elle prime chaque année 7 artistes dont chacun bénéficie d’un accompagnement multiforme. C’est un programme conçu par le Goethe-Institut à Yaoundé sans une implication particulière du bureau central à Munich car chacun des 150 instituts à travers le monde a une relative autonomie d’Action. Le programme a effectivement connu des évolutions car entre 2015 et 2018, il primait plusieurs artistes dans chaque catégorie. Depuis 2019, il n’y a qu’un gagnant par discipline. On a aussi vu l’apparition de la catégorie Bande dessinée dès 2022 au grand bonheur des nombreux et talentueux dessinateurs et illustrateurs camerounais.
Focus media Afrique: Comment le programme s’inscrit-il dans la mission culturelle plus large du Goethe-Institut au Cameroun ?
Raphaël Mouchangou:La plateforme Goethe-Découverte est un programme parmi de nombreux autres chaque année. Il se consacre sur les arts de la scène (en dehors de la BD) et sur les jeunes : Mais nous avons d’autres outils d’accompagnement du cinéma, de la littérature, des savoirs, de la société civile, etc. C’est aussi un programme totalement au bénéfice de la scène culturelle camerounaise et qui ne fait pas intervenir d’expertise allemande ou africaine. En effet, les artistes sélectionnés bénéficient de coachings d’experts camerounais dans divers domaines d leur choix. Et son succès devrait pouvoir lui permettre d’avoir de belles années encore.

Focus media Afrique: Y a-t-il une édition, un moment ou un souvenir qui vous a particulièrement marqué(e) au cours de ces dix années ?
Raphaël Mouchangou:Il y en a eu beaucoup et il serait difficile d’en évoquer un en particulier au risque de léser les autres éditions ou les autres artistes qui sont tous autant qu’ils sont méritoires. Toutefois, en ce qui est des éditions, on peut évoquer l’année 2019 qui a vu passer des talents tels que Cysoul, Ulrich Takam, Skriim, Aurelie Djiena ou encore Fannylove Abega qui sont tous devenus des références dans leur domaines respectifs aujourd’hui.
Focus media Afrique: Une œuvre, un artiste ou une performance révélée par Goethe-Découverte vous a-t-il/elle particulièrement touché€ ou impressionné€ ?
Raphaël Mouchangou:Toutes les œuvres créées dans le cadre de la plöateforme Goethe-Découverte sont plutôt uniques en ce sens qu’elles sont très souvent la première ou l’une des premiès de leur auteur qui y met tout son cœur. Cette seule énergie, au-delà des imperfections propres aux premières œuvres, réussit en général à se communiquer au public qui est toujours très admiratif pour les plus enthousiastes, ou tolérant pour les plus exigeants.
Focus media Afrique: Selon vous, quel a été l’impact du programme sur la scène artistique camerounaise ?
Raphaël Mouchangou:Je dirais que ce n’est pas au Goethe-Institut d’évaluer l’impact de cette plateforme car nous sommes un centre culturel qui travaille au renforcement du dialogue culturel entre l’Allemagne et le Cameroun. Toutefois, lorsque l’on considère la presque centaine d’artistes déjà passés par cette plateforme et dont la plupart vivent aujourd’hui de leur art, on est enclin à penser que nous avons joué notre partition.
Focus media Afrique: Avez-vous observé une évolution dans la qualité, la diversité ou l’audace des projets présentés au fil des années ?
Raphaël Mouchangou:Chaque année a sa couleur et son énergie. Il y a eu des crus moins savoureux que d’autres. Mais il ne peut en être autrement. Cela dit, lorsque nous constatons des faiblesses dans une catégorie, nous pouvons procéder á des réajustements. C’est ce qui est arrivé en 2024 lorsque nous avons décidé de modifier la catégorie théâtre au vu de la faiblesse des propositions des années précédentes. Nous avons dédié cette édition à une résidence de création pour 5 lauréats à la place.
Focus media Afrique: En quoi Goethe-Découverte a-t-il influencé la programmation du Goethe-Institut Cameroun ?
Raphaël Mouchangou:Goethe-Découverte a renforcé la visibilité de nos actions car c’est un programme puissant, diversifié et frais. Sa longévité en a fait une sorte de marque. Et la participation des artistes de tous horizons au-delà de Douala et Yaoundé lui a donné une résonnance véritablement nationale. Nous en sommes ravis.
Focus media Afrique: Avez-vous constaté des retombées concrètes sur le parcours professionnel des artistes soutenus par le programme ?
Raphaël Mouchangou:Le programme Goethe-Découverte donne une visibilité locale voire internationale aux artistes retenus, notamment à travers leur présence sur nos réseaux sociaux à travers les photos et surtout les vidéos postées notamment sur notre chaîne YouTube. Beaucoup parmi ces artistes ont pu renseigner un potentiel partenaire, producteur, curateur ou encore journaliste grâce à ces instruments. Mais l’expérience Goethe-Découverte, faite de rencontres, de formations, de création et d’expression ne peut que contribuer à une plus grande confiance de ces artistes dans le parcours de professionnalisation des artistes.
Focus media Afrique: Le Goethe-Institut Cameroun a-t-il rencontré des difficultés ou des déceptions dans la mise en œuvre du programme ? (relations avec les lauréats, le jury, ou l’équipe organisatrice)
Raphaël Mouchangou:Globalement les activités liées à Goethe-Découverte se sont toujours bien déroulées. Il n’existe aucune initiative sans quelques manquements. Il est t par exemple arrivé qu’un artiste arrive en retard le jour de son spectacle. Il est aussi arrivé qu’un musicien soit indisponible pour notre artiste au soir du concert. On peut aussi évoquer un ou deux artistes qui ont totalement disparu de la scène artistique après leur expérience Goethe-Découverte pourtant doués de talent, mais sans doute rattrapés par les urgences de la vie. Bien que l’on trouve toujours la parade face à chaque difficulté, il y a des choses que l’on peut regretter. Mais elles restent infiniment mineures à côté de tout le reste qui a bien fonctionné jusque-là.
Focus media Afrique: Quels enseignements avez-vous tirés de ces expériences ?
Raphaël Mouchangou:Sur le plan humain, chaque personne est unique et il est bon de comprendre l’univers créatif mais aussi la sensibilité de chacun. Goethe-Découverte n’oriente pas l’artiste mais l’accompagne dans la direction qu’il choisit. Sur le plan organisationnel, tout problème trouve une solution. C’est pourquoi nous ne pouvons que saluer l’engagement de toutes les personnes qui s’engagent pour cette plateforme, les collègues, les partenaires, les artistes, la presse, etc. qui contribuent toutes à son succès et auxquelles nous exprimons notre profonde gratitude.
Focus media Afrique: Comment percevez-vous aujourd’hui la place du Goethe-Institut dans l’écosystème culturel camerounais ?
Raphaël Mouchangou:Après plus de 60 ans d’existence au Cameroun, le Goethe-Institut a tissé des liens forts aussi bien au niveau institutionnel, à travers une coopération épanouie avec les Ministères tels que le ministère des Arts et de la Culture ou encore le ministère des Enseignements Secondaires, mais aussi avec les partenaires privés et indépendants avec lesquels nous développons de nombreux projets chaque année. Cette longévité et cette liens forts tissés de part et d’autre nous permettent d’envisager sereinement la collaboration avec les artistes qui est au cœur de l’activité de notre département culturel.

Focus media Afrique: Que prévoit le programme de célébration pour marquer les 10 ans de Goethe-Découverte ?
Raphaël Mouchangou:Il s’agit d’un programme très dense qui commence des 10h du matin ce vendredi 19.12.2025 au Goethe-Institut avec un talk. Puis tout au long de la journée s’enchaînent diverses activités ludiques, artistiques, récréatives ou de réflexion. Nous clôturons ce programme marathon avec un spectacle sur scène avec du stand up, du slam et de la musique. Un Dj Set refermera la soirée pour les plus énergiques. Le programme été conçu par un comité de 5 artistes qui ont longuement accompagné cette plateforme et à qui nous avons donné la liberté de sélection et de programmation.
Focus media Afrique: Quels sont vos souhaits ou ambitions pour les 10 prochaines années du programme ?
Raphaël Mouchangou:Il n’est pas certain que Goethe-Découverte soit encore là dans 10 ans car il pourrait y avoir une meilleure offre d’accompagnement de la jeune scène locale ou encore une mutation au gré des circonstances ou de la conjoncture car une initiative doit toujours s’adapter aux réalités de son temps. Mais le Goethe-Institut restera fidèle à ses missions de soutien à la créativité locale à travers les instruments qui, dans une conception concertée, seront les plus appropriés. En attendant nous préparons avec le même enthousiasme le lancement du concours de l’éditions 2026 dès janvier.
Focus media Afrique: Y a-t-il une idée, un rêve ou un nouveau format que vous aimeriez voir intégré dans les prochaines éditions ?
Raphaël Mouchangou:Pour le moment, le format reste le même. Mais comme nous l’avons dit, nous restons attentifs aux besoins et réalités de notre environnement et ce dans une dynamique collective qui se nourrit d’écoute, de dialogue et de réflexion partagée avec tous les acteurs de la chaîne artistique au Cameroun.
Propos receuillis par Thierry EDJEGUE
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